LIBRE PROPOS : LE TRAITE DE LISBONNE

 

POINT SAILLANT DE LA POLITIQUE EUROPEENNE EN 2007-2008

 

Faute d'avoir obtenu dans tous les pays de l'Union, l'approbation par référendum de la Constitution Européenne, les gouvernants contournent la volonté populaire en proposant un "mini-traité" de contenu voisin ...

 

Et même si tout ne se passe pas comme prévu, on insiste, au mépris de la volonté populaire déjà exprimée.

 

12 JUIN 2008. LE NON IRLANDAIS AU TRAITE DE LISBONNE

 

Le traité de Lisbonne soumis à référendum en Irlande, a été rejeté par 53,4 % des suffrages. Quand on connait la position et la campagne menée par la plupart de élus nationaux irlandais, notamment par leur Premier Ministre, comment ne pas en tirer, objectivement, après Rousseau, la conclusion que la volonté du peuple ne se représente pas ?

 

«  La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale et la volonté ne se représente point ; elle est la même ou elle est autre ; il n'y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que des commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le Peuple en personne n'a pas ratifiée est nulle ; ce n'est point une loi. » («  Du Contrat Social  »)

 

En l'occurence, le pire est sans doute à venir. On a bafoué la souveraineté des peuples français et néerlandais, en substituant le traité "simplifié" à la Constitution qu'ils avaient rejetée. On ne se cache pas, pour dire qu'il faudrait concocter un arrangement pour ce petit pays qui avait tant profité de l'Europe, ou bien, comble même d'ineptie juridique, de le refaire voter !

 

Comme après le non français, les leaders essentiels et les medias se déchaînent. La Réforme des Institutions, en France, mettra bientôt de l'ordre dans l'expression d'un peuple "irresponsable", qui "confond les scrutins", "ne répond pas à la question posée", alors que ses élus de métier et les commentateurs politiques, savent, eux, ce qui est bon pour lui, aussi bien que ce qu'il a voulu dire et pourquoi il ne l'a pas dit.

 

A la lumière de ces faits, on mesure la distance qui existe entre les conclusions de cet essai sur la démocratie et ce qu'en font, la dégradant chaque jour, tous ceux qui s'en réclament pour asseoir leur pouvoir sur la souveraineté du peuple.

 

Au XXIème Siècle, en dehors de science et technologie, le raisonnement rationnel reste révolutionnaire.

 

OCTOBRE 2007. LE REFERENDUM DU 29 MAI ET NOUVEAU TRAITE SUR LE FONCTIONNEMENT DE L'UNION

 

Le 29 mai 2005 le peuple français a rejeté, par référendum, la ratification du "Traité établissant une Constitution pour l'Europe", par une nette majorité (environ 55 %). Ceux qui, de la manière la plus responsable qui soit, avaient voté NON, pour des raisons différentes qui tiennent à l'extrême diversité des questions incluses dans l'unique question posée, se souviennent avec amertume, de l'opprobre qu'ont jetée sur eux, une certaine intelligentzia surmédiatisée et la majorité des leaders politiques de droite, du centre et de gauche. Le peuple avait mal décidé, il s'était trompé de scrutin ; il compromettait le bon fonctionnement de l'Union. C'était irresponsable car il n'y avait pas de plan B de rechange ! Les mêmes n'ont que le mot démocratie à la bouche, mais ils ont montré là, la piètre idée qu'ils en ont.

 

En Espagne, on obtenait un OUI massif, en escamotant le tiers le plus problématique du Traité. Dans d'autres pays, quand on craignait un vote populaire négatif, on faisait décider le Parlement, mettant ainsi en évidence la mauvaise capacité de représention des élus. En Grande-Bretagne, on renonçait au vote, après la constatation des rejets français et néerlandais. L'Europe démocratique reste à construire ! Ne serai-ce pas une exigence populaire, outre celle de l'Europe sociale, dont on ne saurait la dissocier (voir le THEME "Propriétés de la démocatie").

 

En Juin 2007, le nouveau Président français, dans la ligne de son programme, a mis sur pied un projet de "mini-Traité" pour "sortir l'Europe de l'impasse" qu'il est allé défendre dans toutes les capitales. Le 19 Octobre dernier, le Sommet de Lisbonne a adopté un texte similaire. Le calendrier prévu est le suivant :

•  13 Décembre 2007 : signature du nouveau traité européen par les chefs d'Etat et de gouvernement.

•  Avant Juin 2009 et les élections européennes : ratification du « traité de Lisbonne » par les Etats membres

 

LE NOUVEAU TRAITE : MODELE REDUIT DE L'ANCIEN, POUR EVITER LES REFERENDUMS DE RATIFICATION

 

Selon Valery Giscard d'Estaing, lui même, dont on sait qu'il fut le "père" du projet rejeté, ce "traité réformateur", n'apporte que des "changements cosmétiques" à la version précédente. Les déclarations des divers promoteurs ou partisans du nouveau Traité et l'étude objective de son contenu, démontrent clairement qu'il est un moyen détourné de doter l'Union de règles de fonctionnement analogues et d'éviter la tenue de référendums de ratification. Ses termes ont été choisis, à commencer par le titre, où il n'est plus question de Constitution, de telle sorte que, à la lettre, on puisse soutenir qu'il s'agit d'un Traité différent.

 

RATIFICATION PAR LE PARLEMENT FRANCAIS DU NOUVEAU TRAITE

 

Ainsi, d'une part, on peut soumettre sa ratification à un nouveau vote, en prétendant qu'on ne revient pas sur un sujet déjà tranché par le peuple "souverain". D'autre part, on peut estimer, en raison de la réduction du texte, qu'il ne mérite plus délibération au suffrage universel. C'est l'intention qu'a manifestée Nicolas Sarkozy, de le soumettre au Congrès (Assemblée Nationale et Sénat réunis à Versailles). Le Bureau National du Parti socialiste s'est prononcé majoritairement, mardi 6 novembre, en faveur du nouveau traité, sans se déclarer opposé à la méthode choisie.

 

Indéniablement, dans l'esprit, cette affaire dénote, tant par le contenu du texte que la procédure envisagée et acceptée qui en assure le succès - quelle que soit l'opinion populaire et sans vérifier qu'elle pourrait avoir changé -, un réel mépris du peuple, de la part de nos dirigeants. Elle constitue un véritable déni de démocratie (1). En effet, il ne peut être nié que ce texte a le même objet que le précédent, ni qu'il en reprend de nombreuses dispositions. Il n'est pas concevable, dans le respect de la souveraineté populaire, de ne pas, au moins, vérifier que les changements apportés satisfont la majorité qui s'était défavorablement prononcée. Le changement de procédure positionne les élus, en souverains du peuple qu'ils sont censés représenter ! Ne serai-ce pas anticonstitutionnel ?

 

QUELLES QUE SOIENT SES VICISSITUDES PASSEES, LE REFERENDUM EST INDISPENSABLE

 

Personne n'a été dupe, le Référendum du 29 mai 2005, n'avait pas comme objet principal de faire mieux fonctionner notre "démocratie". Le peuple "souverain" n'était pas "consulté" pour décider, sur une question ouverte. Il l'était, comme par le passé, pour donner au Chef de l'Etat et à son gouvernement, un soutien populaire qui lui faisait défaut. On a prétendu que le peuple n'avait pas répondu à la question posée. Mais la question réelle, n'était pas celle qui était écrite sur les bulletins. Elle était masquée. Comment s'étonner que des électeurs aient alors émis un vote sanction, comme d'autres à l'inverse, ont voté OUI, par a priori favorable ?

 

En outre, un référendum, pour être significatif (voir les THEMES : "la démocratie directe" et "le référendum-débat"), exige que plusieurs questions n'y soient pas mêlées. On avait affaire là, à une somme de questions innombrables, truffées de termes différemment interprétables. La démocratie pouvait difficilement y trouver son compte. Et pourtant, même si ce n'étaient pas des débats populaires, de nombreux débats télévisés ou radiodiffusés ont eu lieu. Même si la Presse n'est pas d'un pluralisme équilibré, elle a largement publié sur le sujet. Et le peuple (les gens) qui ne paraissait pas s'intéresser à l'Europe et qu'on n'avait pas intéressé, non plus, s'est emparé de la question. Un nombre suffisant de personnes en est ressorti suffisamment informé, pour qu'on puisse affirmer en termes de probabilités et statistiques (voir le THEME "démocratie et compétence") que les conditions d'un vote compétent étaient requises. Contrairement à ce qu'ils prétendent avec suffisance, les tenants du OUI n'ont pas perdu à cause d'un vote de gens irresponsables ou mécontents, mais parce qu'un plus grand nombre de gens aussi informés et "savants" qu'eux ont voté NON ! Voilà à quelle conclusion on arrive si on étudie objectivement et rationnellement la prise de décision démocratique.

 

Alors, aujourd'hui, priver le peuple d'un référendum auquel il a droit, n'est pas seulement une marque de mépris et déni de démocratie, c'est une prise de risque déraisonnable. C'est enlever du poids au Traité à promouvoir, d'autant que celui-ci, présentait de grandes chances d'être approuvé. Il ne faudra pas s'étonner de votes-sanction ultérieurs.

 

Cette expérience, loin de démontrer l'ineptie des référendums, en accentue l'importance. Pour aussi biaisé et faussé par la complexité de la question, qu'ait été celui du 29 mai, il n'en a pas moins ouvert une voie d'expression populaire en Europe, sans doute parce qu'il a mobilisé l'opinion et peut-être parce qu'il a été négatif. Les Anglais font aujourd'hui pression sur leur gouvernement, afin de délibérer selon ce mode de scrutin. Les efforts et artifices déployés pour le contourner par le nouveau Traité, témoignent qu'il sera difficile, à terme, aux élus de ne pas donner plus de poids aux délibérations populaires.

 

Après tout, si l'Union Européenne ne possède pas, aujourd'hui ni demain, de Constitution officielle, - le rejet du 29 mai a réduit les possibilités au mini-Traité -, la place est laissée pour qu'une meilleure, un jour, soit adoptée, dans un esprit et sous une forme plus démocratique. Elle pourrait, par exemple, être initiéé par un référendum fondamental, précédé de vrais débats et étendu à tous les pays membres, voire unique sur tout le territoire européen, donnant mandat à une Constituante, dont les travaux feraient l'objet d'un ou plusieurs référendums d'adoption clairs (voir le THEME "Changer les démocraties").

 

L'Europe conduite par les gouvernements, et l'armée de technocrates qui entoure la Commission, un Parlement sans guère de pouvoirs, n'est qu'une Entente limitée entre les Etats qui la composent. Elle n'a jamais si bien fonctionné qu'on ne puisse espérer mieux que le projet avorté du 29 Mai 2005 ni que le présent compromis de Lisbonne..

 

Les aspirations qui apparaissent sur le Net - lieu de remplacement insuffisant mais vivant, des espaces démocratiques institutionnels refusés au peuple, souverain de papier -, laissent penser qu'un mouvement se déssine, dont la dynamique pourrait, par convergence de réseaux et peut-être par pétitions interposées, entrainer de tels changements

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(1) Déni de démocratie est le sous-titre du site http://www.29mai.eu dédié à une opposition à la ratification parlementaire du mini-Traité.

 

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